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Cabane en cours de construction

Week-end de chantiers collectifs à la ZAD du Carnet 23-24/01

Viens te réchauffer à la ZAD du Carnet le samedi 23 et le dimanche 24 janvier à l’occasion du grand weekend de chantiers collectifs !

Les températures baissent mais pas notre détermination à maintenir l’occupation !
Plusieurs chantiers sont en cours à la ZAD du Carnet, viens donc finir avec nous ces constructions !

Au programme du week-end :

  • Chantier dortoir collectif à l’accueil de la zone,
  • Chantier en mixité choisie,
  • Animations,
  • Cantine collective.

Pour plus d’infos sur comment venir sur la ZAD, consultez notre site web : https://zadducarnet.org/index.php/venir-nous-rejoindre/. Si cela est possible, ramenez de quoi vous couvrir chaudement et dormir. Sinon il y a de la place pour dormir dans des dortoirs collectifs avec des couvertures.

Pense à prendre des outils si tu peux ! En particulier nous aurons besoin d’outils électriques (scies sauteuses, visseuses, disqueuses) et de scies. Pour connaître notre liste complète de besoins actualisées, c’est ici : https://frama.link/besoinscarnet/.

La ZAD du Carnet s’invite sur Mastodon

Pour toi ami·e des réseaux décentralisés, la ZAD du Carnet possède maintenant un compte Mastodon !

https://mamot.fr/@zadducarnet

Et pour toi qui ne vois pas ce que c’est, toi qui utilises Twitter, ou Facebook, nous t’invitons à venir jeter un coup d’œil !

Un réseau décentralisé c’est un réseau sans autorité centrale, composé d’acteur·ices divers·es et varié·es, avec chacun·es leurs règles. Mastodon c’est un peu comme Twitter, mais sans Twitter !

Si ça t’intéresse d’en savoir plus, voire de rejoindre, tu peux suivre ce lien : https://joinmastodon.org !

Article lié : « Lettre à celleux qui militent sur les réseaux sociaux ».

Le schlag concept

Certains n’y voient qu’une preuve de la décadence, la paresse et l’encrassement généralisé que représente la ZAD dans leur esprit. Le lien étant vite établi entre l’espèce du zadiste de base et la caste des chômeurs pouilleux, c’est tout naturellement que surgit le mot « schlag », qui désigne habituellement une loque humaine – à savoir un individu louche, sale, pauvre et mal famé. Mais la schlaguerie est bien plus grandiose ! C’est une véritable tendance, qui se cultive …

« Ah, tu te zadifies ! » ; combien de fois par jour entend t-on cette expression bénie marquant le fameux rite de passage à l’état zadiste de la chose ? C’est à dire le moment où la couleur des chaussures s’uniformise à celle de la gadoue, où l’on accepte enfin que la vaisselle ne sera jamais faite et qu’on devient expert dans la maîtrise du freinage de vélo sans frein. On adopte la schlag attitude. On renonce au monde de l’ordre, de la propreté et du rangement, illusion d’une société nette et harmonieuse.

On choisit l’esthétique du sauvage, de la pagaille ; peu à peu les espaces se transforment, l’air lui-même se zadifie. Par le refus d’un ordre préconçu de l’univers où chaque chose a une place et un rôle bien défini, on réinvente le quotidien. La discipline exercée ordinairement sur les objets pour qu’ils correspondent à nos attentes se change en un acharnement collectif pour les faire parler. Par une multitude d’initiatives créatives individuelles, tout se dérègle, les idées saugrenues s’additionnent, dialoguent en différé : l’autogestion devient une pratique artistique. Ce qui est cassé n’est pas réparable car ce qui répare est cassé aussi, et puis on manque de matos et on ne manque pas de flemme, alors on bricole avec ce qu’on a sous la main sans se préoccuper du résultat. Rien ne convient, ça se recassera la figure, mais tant que ça tient, ça tient ! Peut-être que c’est aussi l’effet que ça fait de construire en sachant que tout sera bien plus vite détruit.

Le concept de la schlaguerie, c’est crier « tant pis » pour se mettre à chérir l’imperfection et cultiver l’étrange. C’est aimer être hilare devant une chaise, une peluche ou un parapluie. C’est se dire qu’il n’y a ni urgence, ni sérieux, ni souci.

Et si le schlag, c’était laisser un peu de place à la vie ?

Nouvel an au Carnet

Teufeur·se intrépide se préparant à avaler les kilomètres pour célébrer la nouvelle année en territoire libre, ce message t’est adressé·e. Nous avons le regret de te dire qu’il n’y aura pas de grosse fête à la ZAD du Carnet le soir du nouvel an.

Ce soir particulièrement requiert la vigilance de nombreuses personnes sur zone. La ZAD n’est pas un lieu de teuf, mais un lieu de vie et de lutte. Le 31 comme tous les autres soirs, nous serons nombreux·ses à être vigilant·es aux barricades pour défendre l’île du Carnet.

Tu es bienvenu·e pour venir vivre avec nous à la ZAD du Carnet et découvrir notre vie. Tu y seras accueilli·e chaleureusement !

Nous te souhaitons un très bon réveillon du nouvel an !

Poème sur la Zad

Ce poème a été écrit par C. qui a passé un court séjour à la Zad du Carnet. Il a été publié aussi sur le site du collectif des folles alliées.

Illes sont les zadistes du Carnet

Bourgeons d’utopie
Sur une terre battue par les vents
Se levant face aux puissants
Hameau de nouvelle vie

Baignée d’une forte énergie de terre
Gaïa avance dignement
Bercée par le chant
De ces quelques libertaires

Ici la vie te prend à la gorge
Elle te défie fièrement
Mais ici, on la défend
Et c’est elle qui te forge

Venus de tous les horizons
Illes sont là, bien présents
Debout face au ventIlles brandissent leurs convictions
Illes défendent un autre monde

Respectueux du vivant
Anarchiste et résilient,
Chimère réelle et vagabonde.

Illes sont les défenseurs du marais
Illes sont les zadistes du Carnet

Communiqué de la ZAD du Carnet faisant suite aux courriers des élus demandant son expulsion

Nous déplorons le climat de tension actuel qui gronde contre notre occupation et appelons à l’apaisement. Nous sommes ici pour défendre l’île du Carnet contre un projet absurde et destructeur.

Comme le rappellent les élus des communes avoisinantes, le site du Carnet fait partie des premiers sites livrés clefs en main par Macron aux industriels en janvier 2020. Ces mesures du gouvernement qui visent à faciliter l’implantation des industriels, se font au détriment de l’environnement à coups de dérogations préfectorales : d’abord on court-circuite les législations en vigueur, on détruit au plus vite, on bétonne, et puis on réfléchit.

Alors que le territoire regorge de friches industrielles, au Carnet, on compte draguer la Loire, rejeter des quantités hors normes d’arsenic, détruire 116 espèces protégées, acheminer 500 000 m3 de remblais, bétonner 51 hectares de zones humides, pour aménager un parc dit « éco-technologique » régulièrement inondé dès 2030 (1).

Pourtant, à ce jour aucun investisseur ne s’est manifesté pour s’implanter au Carnet.

Alors que nous faisons face à la sixième extinction de masse du vivant (2) ainsi qu’au dérèglement climatique, l’obsession des industriels et de certains élus pour l’artificialisation des zones naturelles est absolument anachronique. Nous ne pouvons plus nous permettre d’artificialiser de nouveaux espaces.

Doit-on rappeler que ces élus qui s’insurgent de la présence d’une Zone à Défendre sur leur territoire, n’ont eu aucun scrupule à imposer un projet d’aménagement sur l’île du Carnet sans consulter, ni même informer leurs populations locales ? Les riverain.es sont pourtant les premier.es impacté.es par les conséquences du projet : afflux de 550 poids
lourds par jour autour de la zone industrielle, pollution accrue dans un estuaire déjà moribond, sans parler du peu d’emplois créés, emplois surqualifiés ou détachés.

C’est bien la mobilisation portée par de nombreux collectifs, associations, riverain.es, depuis plus d’un an maintenant, qui aura permis l’ouverture d’un débat public. L’occupation aura quant à elle, entamé un rapport de force suffisant pour questionner le projet du Grand Port Maritime : aujourd’hui, l’île du Carnet bénéficie d’un répit d’un an, par l’instauration d’un moratoire pour effectuer des relevés faunistiques et floristiques, suite à l’avis défavorable du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel.

En revanche, ce délai d’un an est loin d’être assuré, car le Grand Port conserve toutes les autorisations nécessaires pour réaliser ses travaux d’aménagement. Par conséquent, tant que le projet ne sera pas abandonné complètement, la résistance sera nécessaire. Quoiqu’en pensent les élus, les habitant.es de la ZAD, dans toute leur diversité et leur pluralité, continueront d’occuper les lieux. Nous continuerons de nous battre pour préserver l’île du Carnet, et continuerons d’alerter sur les conséquences de l’industrialisation de l’estuaire de la Loire.

Cependant, nous comprenons que les riverain.es regardent l’arrivée de tant de nouveaux voisins et nouvelles voisines d’un œil sceptique. Nous invitons toutes les personnes se questionnant sur l’intérêt de la présence d’une ZAD, à venir en discuter avec nous, sur place ou lors des marchés et autres évènements que nous organisons, pour avancer vers une cohabitation paisible entre la ZAD et les riverain.es.

La lutte continue,
Nous sommes la Loire qui se défend !


(1) https://stopcarnet.fr/le-projet-du-grand-port/les-risques-de-submersion/
(2) https://www.nationalgeographic.fr/environnement/la-sixieme-extinction-massive-deja-commence

Connaître ses limites et s’entraider pour éviter le burn out

Ce texte revient brièvement sur quelques événéments qui se sont produits sur la Zad du Carnet et parle de burn out militant. Le même schéma se répète souvent : tu te retrouves seul·e à pouvoir faire quelque chose de vital mais tu n’en peux déjà plus physiquement et mentalement. Alors tu pousses tes limites et tu continues quitte à ne pas en ressortir indemne…

Le déchirement entre sentiment de devoir et incapacité physique ou mentale de continuer

Nous ne sommes pas nombreux·ses à nous investir dans le militantisme politique. Pourtant, il y a tant à faire pour détruire le vieux monde d’une part et pour construire des rapports plus sains entre humain·es et non-humain·es d’autre part.

Quelques fois, on se retrouve à être le ou la seul·e à pouvoir faire quelque chose de méga important alors qu’on est à bout de force. Beaucoup d’entre nous font alors le choix de dépasser leurs limites de ce qu’on est capable encaisser. Selon les cas, nous en ressortons avec une petite cicatrice ou en burn out militant dont il faudra plusieurs années pour en sortir…

Les situations sont tellement variées et uniques qu’il est impossible de donner des conseils pratiques dans ce genre de cas. Essayons juste de faire attention à nous-mêmes et aux autres. Construisons des groupes qui se rendent compte des dangers à vouloir trop en faire, des dangers qu’il y a de toustes se cramer de manière isolée à force de se mettre la pression. Soyons attentif·ves à l’état physique et mental de nos ami·es et encourageons les à prendre une pause en les relayant quand cela est possible.

Les crises psychologiques sur zone : un exemple pratique

Evidemment, quand une personne va mal sur la Zad, on fait de notre mieux pour l’aider, pour mettre en place un réseau de soutien quitte à ce que plusieurs personnes investissent toute leur énergie dans le soutien de la personne en détresse. Mais quand la crise est grave, souvent toute cette énergie ne suffit pas et on se retrouve dans l’impasse.

En effet, on ne peut que constater que nous ne sommes majoritairement pas formé·es à ce que la médecine appelle « maladies mentales ». Et même si nous l’étions, les conditions de vie précaires sur une Zad ne correspondent pas à ce dont ont besoin beaucoup de personnes qui ne vont pas bien. De plus, nous sommes sur une Zone à Défendre, pas dans un lieu de soin antiautoritaire et autogéré¹ : il y a tellement d’autres choses à faire ici qui nous accaparent notre énergie.

Alors celles et ceux qui choisissent de soutenir la personne dont l’état ne s’améliore pas peuvent se cramer à les aider tant le soutien à une personne malade peut être énergivore. Le risque est que pour tenter d’aider une personne, trois personnes brûlent toute leur énergie et fassent une crise à leur tour.

Le projet Icarus est un réseau de soutien et de partage par et pour les personnes dont les manières d’expérimenter le monde sont souvent diagnostiquées comme des maladies mentales.

Mais aucun choix ne semble être bon : d’une part envoyer une personne malade vers des lieux qui ne nous conviennent pas politiquement (un hôpital psychiatrique par exemple) ou alors d’autre part laisser la situation s’aggraver sur zone en espérant que tout va s’améliorer. Face à ce dilemme, on attend parfois trop tard ce qu’on regrette à posteriori… Mais comment pourrait-on déterminer les situations gérables sur zone où l’on peut s’entre-aider des situations trop graves où l’on va collectivement dans le mur à vouloir aider de la mauvaise manière ?

Il est souvent plus fatiguant de transmettre le relais que de faire soi-même

On se rend compte souvent trop tard qu’on n’en peut plus. À ce moment là, il est clairement trop tard pour passer le flambeau de ce qu’on était en train de faire. Selon ce qu’on faisait, il peut être risqué de tout lâcher sans suivi (par exemple si on aidait quelqu’un en crise psychologique). Alors certain·es choisissent de continuer même si iels en peuvent plus.

Se rendre compte bien à l’avance que ce qu’on fait est au-dessus de nos forces permet de nous préparer à se faire relayer et de faciliter ce passage de flambeau. Plus on s’y prendra tôt, plus il y aura de temps pour échanger les informations nécessaires. Pour transmettre le relais, il faut (et c’est plus compliqué qu’il n’y parait) :

  • trouver quelqu’un·e de disponible qui souhaite vous relayer,
  • transmettre les informations nécessaires,
  • transmettre ce qu’on voudrait faire pour la suite.

Cela peut être d’autant plus compliqué de se motiver à faire ces 3 étapes si on craint que sans soi les choses seront mal faites.

Quelques pistes de réflexions : vers des groupes plus résilients

La suite est une traduction d’un morceau d’un tract du projet Ulex (pages 15-16) pour un activisme plus soutenable. On ne peut penser un burn out d’une personne dans un groupe ou collectif comme un problème individuel : il s’agit d’un problème du collectif en entier d’où l’idée de construire des groupes que le texte qui suit appelle « résilients » pour prévenir les burn out.

La résilience est la la capacité d’un système à se remettre d’un choc ou à se rétablir après des difficultés. Il s’agit d’une qualité qui englobe la robustesse sans rigidité ainsi que la capacité à s’adapter et à apprendre. On pense que la résilience des écosystèmes et des systèmes sociaux est souvent liée au nombre et à l’éloignement des connexions au sein du système. La diversité et la connectivité sont des bons indicateurs de résilience.

La notion de résilience peut être utile pour parler de la soutenabilité de nos organisations et de nous-mêmes. Il y a des moments quand on doit donner tout ce qu’on a, des moments où on est surchargé·es et stressé·es. Que doit-on mettre en place pour se remettre et pour nous régénérer ?

De même que le burnout est multifactoriel, la résilience est favorisée par un large éventail de conditions interconnectées :

La résilience émotionnelle et psychologique
Il s’agit de notre capacité d’avoir des émotions fortes, de supporter la déception sans tomber dans le découragement, d’éviter l’apathie et le cynisme et de garder des racines fortes et profondes de motivation.

Soutien du groupe
Dans les études sur la résilience émotionnelle, il est devenu de plus en plus clair que la connexion que l’on a avec les autres est aussi importante que les situations psychologiques que l’on vit pour ne pas subir. De bon·nes ami·es qui écoutent, sont empathiques, nous laissent nous décharger de nos émotions et nous aident à analyser nos expériences constituent un réseau de soutien inestimable. Il est indispensable d’avoir autour de nous des personnes qui vont nous faire des retours quand nous sommes surchargé·es et qui vont agir pour nous aider émotionnellement et pratiquement quand nous en avons besoin. Créer ces réseaux de soutien constitue une étape importante pour avoir plus de résilience dans nos vies. Apprendre à accepter ce soutien est tout aussi important.

Résilience comportementale
Le changement de la société est un marathon et non un sprint. Il y aura des moments de sprints. Mais nous devons les choisir avec sagesse. Plutôt que d’être à fond dans des missions vitales en continu, nous avons besoin d’approches qui nous aident à garder des réserves et à reconnaître l’importance du rythme. Plutôt que nous lancer sans cesse en avant vers un futur incertain, nous devrions apprendre à être présent·es à chaque étape du changement social, à être capable de choisir notre direction plutôt que de se faire balader en aveugle par une dynamique imprévue. Et quand nous devons nous donner à fond, nous devons être capable de compenser cela avec un temps pour le repos et la récupération avant un nouveau sprint. Nous devons apprendre à trouver un équilibre entre donner de notre temps et de l’énergie et prendre du temps pour se ressourcer.

Résilience organisationnelle
Le manque d’organisations résilientes nous met une pression énorme. Des aspects importants d’une organisation résiliente sont les suivantes : apprendre à s’agrandir à un taux adapté (en termes d’objectifs et de nombres) ; apprendre à êre raisonnables dans nos choix d’actions et de luttes afin de trouver des défis qui nous permettent de gagner en puissance et d’apprendre plutôt que de nous mettre à terre ; créer des doublons afin de permettre aux gens de prendre du repos ; créer des cultures qui encouragent à prendre soin de soi et des autres ; augmenter la capacité de résoudre les conflits, de lutter contre les dominations et de rendre chacun·es plus puissant·es (empowerment).

Des connexions plus profondes
Les écosystèmes résilients sont souvent formés de connexions multiples. La connectivité et la diversité d’un écosystème constituent des indicateurs de résilience. Agir sur les trois différentes dimensions de notre connexion au monde – c’est-à-dire la connexion à nous-mêmes, aux autres et à la nature – peut être utile pour augmenter notre résilience. Être en connexion profonde avec soi-même, ses motivations principales en gardant notre vision fraîche et nos valeurs vivantes peut être important. Partager des objectifs et incarner des valeurs dans nos relations avec les autres nous permet de conserver notre inspiration et notre bien-être. Nous connecter à la nature – c’est-à-dire avec les non-humain·es – peut nous aider à trouver du ressourcement et des perspectives, de connecter ce que l’on fait avec quelque chose de bien plus grand que nous-mêmes et nos petits soucis.

Quelques ressources pour creuser

¹ Et des lieux de ce style manquent cruellement dans le milieu militant.

Illustration « Mad Anarchy » par Trace Fleeman Garcia

Au Carnet, nous nous mobilisons aussi contre le mensonge de la transition écologique !

  • À la ZAD du Carnet, nous avons choisi d’occuper un territoire menacé de disparaître sous le béton. Ce sont 110 ha sur près de 400, soit environ un quart de l’île que nous défendons, qui sont voués à abriter ce que les grands bousilleurs osent appeler un parc éco-technologique. Nous inscrivons notre lutte dans celle contre le capitalisme vert, car nous ne croyons pas à une transition qui refuse de remettre en cause les dominations qui structurent nos sociétés. Ici, nous essayons de construire une forme d’autonomie et pour nous, construire l’autonomie passe par la réappropriation de notre façon de penser le monde que nous habitons, loin de l’écologie productiviste qu’on nous impose.

Une première écologie à dénoncer, celle des pouvoirs publics et des industriels

Ça n’échappe plus à grand monde, nous sommes collectivement en train de saccager notre planète. Que nous proposent exactement les pouvoirs en place pour y remédier ? Premièrement, culpabiliser celles et ceux qui consomment soi-disant mal, surtout quand ils et elles sont pauvres1. Deuxièmement, trouver une solution technique à nos ennuis, sans questionner notre foi aveugle dans le progrès et dans l’industrie. C’est ce qu’on peut appeler capitalisme vert. Sur le site du Carnet, nous sommes directement concerné·e·s. Le port de Nantes-Saint-Nazaire prévoit d’installer un parc éco-technologique, c’est-à-dire un parc industriel mettant en avant les énergies renouvelables. Le terme est volontairement flou et derrière le mot renouvelable, ce qui se cache, c’est la recherche de nouvelles formes d’énergie à exploiter pour continuer la croissance des besoins. En gardant toujours la main mise sur la production et la distribution, parce que le contrôle, contrairement au reste du monde, n’est pas en train de s’écrouler.

Pourquoi parler de capitalisme vert ou d’écologie industrielle ? Parce qu’il n’y a pas de volonté de remettre en cause ni le modèle productiviste de notre société, ni les inégalités structurelles qui en découlent. D’ailleurs, la communication du port est assez claire et leur projet au Carnet s’inscrit dans la complémentarité de ce qui se passe ailleurs sur l’estuaire de la Loire, qui devient peu à peu une poubelle gigantesque de métal et de béton. Sans énumérer tous les désastres envrionnementaux en jeu, car ce n’est pas notre but ici et car d’autres l’ont déjà fait2, rappelons seulement deux choses : le port de Nantes-Saint-Nazaire est colonialiste (importations massives de ressources africaines et sud-américaines par exemple, héritées d’un passé esclavagiste) et il est à la pointe de l’extractivisme (importations de gaz de schiste3, etc…). Ce n’est pas en juxtaposant un parc éco-technologique ou en développant l’éolien maritime au large de Saint-Nazaire4 que l’on agira contre ces défaillances écocidaires de notre monde.

Pire encore, au-delà de cette logique de la vitrine verte, la défense de l’environnement est devenu un nouveau marché. Il est peut-être superflu de le rappeler, mais le capitalisme est un système capable de s’alimenter de tout ce qui le contredit. L’écologie y compris. Typiquement, plutôt que d’arrêter les industries fossiles les plus polluantes, on préfère leur imposer d’investir dans les énergies renouvelables, en faisant des bénéfices au passage, avec une logique néo-libérale assez simpliste : le nouveau marché créé est supposé concurrencer le premier et ainsi compenser la pollution. Ce mécanisme est déjà dénoncé depuis longtemps5, mais ce qui est particulièrement visible au Carnet, c’est le rôle qu’y tiennent les pouvoirs publics. Le projet étant volontairement opaque, il n’y a pas encore d’investisseur privé déclaré. Les acteurs qui promeuvent la destruction du terrain que nous occupons, c’est bien la métropole de Nantes-Saint-Nazaire, à travers son port, et c’est bien l’État, qui a fait du Carnet un des nouveaux sites «clés en mains»6 c’est-à-dire qu’on choisit de faciliter les gros industriels en prenant en charge, par le biais des collectivités territoriales, toutes les contraintes environnementales préalables à leur carnage. En fait, cela fait bien longtemps que nous sommes conscient·e·s que le pouvoir politique est le complice du pouvoir économique. Nous choisissons donc au Carnet de dire «dégagez» aussi bien à ces entreprises qui spéculent sur la destruction du vivant qu’à l’État qui les aide dans cette démarche.

Voilà la transition qu’ils nous vendent. Elle est faite de nouvelles accumulations et de nouvelles dominations, avec des liens entre le public et le privé toujours plus insidieux. Pour nous c’est évident, il n’y a de transition que vers un monde qui s’est accomodé de nos critiques environnementales.

L’écologie d’opposition n’est pas plus crédible

Face à cela, certain·e·s sont tenté·e·s par une transition plus contraignante, avec des normes plus sévères. Obliger les pollueurs à cesser leurs activités, mais sans bouleverser le reste. C’est le cas de celles et ceux qui cherchent à négocier avec le pouvoir, qu’ils et elles agissent au nom d’un parti politique, d’une association, à titre individuel ou bien en collectif. Nous ne croyons pas plus à cette écologie-là. Premièrement parce que cette stratégie nous paraît inefficace et dangereuse. Donnons un exemple qui nous concerne directement. Au Carnet, il est question de zones compensatoires, c’est-à-dire d’autoriser la destruction d’une zone humide, tant qu’on en reconstruit une autre, artificiellement, ailleurs. C’est en cherchant à discuter d’un point de vue technique sur ces mesures compensatoires que certaines associations ont légitimé le projet des industriels7. Il ne s’agit pas ici de faire leur procès, ni de savoir si ces associations sont de bonne foi ou pas, nous nous en fichons complètement. Il s’agit de constater qu’avant l’installation de la ZAD, elles accompagnaient la construction du parc éco-technologique. Et nous ne disons pas cela pour comparer nos méthodes de lutte, mais bien pour pointer du doigt les contradictions auxquelles mène systématiquement la volonté de négocier avec un pouvoir qui se veut hégémonique.

Deuxièmement et surtout, parce que nous pensons que le désastre environnemental est intrinsèquement lié à l’organisation politique de nos sociétés. Nous ne légitimerons pas d’autres exploitations au nom de l’écologie. Nous ne négocierons pas avec les acteurs de la transition pour en proposer une autre, plus enviable, tandis que ce sont les mêmes acteurs qui pillent d’autres pays. Nous ne perdons pas de vue que le développement des énergies renouvelables va de pair avec le colonialisme : la construction d’éoliennes industrielles nécessite l’extraction intensive de matériaux, pour la plupart dans des mines en Asie, dans des conditions souvent épouvantables8 et nous avons bon dos d’acclamer des énergies qui se prétendent propres alors que d’autres que nous se tuent littéralement au travail pour les produire. Mentionnons aussi que nous volons et détruisons des terres qui ne nous appartiennent pas. Un exemple frappant est celui de l’isthme de Tehuantepec au Mexique, véritable couloir de vent et qui est au centre des attentions de tous les industriels de l’énergie9. L’entreprise EDF dont nous occupons un terrain est en train d’accaparer des terres là-bas, en réprimant les populations. Comment alors négocier quoi que ce soit avec elle ici.

Une autre chose qui est en jeu et contre laquelle nous tentons de lutter, c’est l’apparition de nouvelles formes de contrôle social. En parallèle de la création de parcs éoliens partout où c’est possible, ce qui se prépare, c’est l’avènement d’un capitalisme de la surveillance et il s’agit à nouveau des mêmes acteurs10. Nous en voyons déjà les prémices, avec l’avènement des villes connectées, promues par les énergéticiens. Nous ne voulons pas d’un monde dystopique, où sous couvert de rendements, nos moindres faits et gestes sont surveillés. Nous refusons la continuité qui existe de fait entre l’aménagement des territoires et l’aménagement des comportements. C’est partant de ce principe que nous choisissons de saboter l’aménagement des territoires.

Nous affirmons qu’une transition écologique qui ne dénonce pas toutes les logiques de dominations n’est bonne qu’à être jetée à la poubelle, sans même être recyclée.

S’approprier les questions de l’énergie dans une perspective d’autonomisation

Y a-t-il en fait une transition souhaitable ? Ce mot nous paraît mal défini. Nous ne croyons pas à la possibilité d’aménager le pouvoir, nous n’envisageons pas d’adoucir les atrocités du monde capitaliste. Nous essayons, tant bien que mal, de nous inscrire en rupture avec celui-ci. Au-delà de protéger des terres agricoles d’une bétonisation massive, ce sont les mondes que nous construisons que nous défendons derrière nos barricades. Nous ne prétendons pas que c’est une tâche facile et nous sommes conscient·e·s de nos limites et fort·e·s de nos erreurs passées. Nous ne prétendons pas non plus qu’à la ZAD du Carnet, nous sommes libéré·e·s des oppressions systémiques. Au contraire, c’est parce que nous ne savons que trop bien que ces oppressions existent, y compris au sein de nos luttes, que nous essayons de nous organiser contre. Enfin, nous sommes des squatteur·euse·s et si on nous expulse et qu’on nous empêche de revenir, malgré toute notre peine, nous continuerons à construire l’autonomie ailleurs. Nous disons cela ici parce que la seule transition qui nous paraît possible, c’est celle à travers laquelle nous essayons de reprendre la main sur nos vies, en brisant les hiérarchies. Cette transition n’est pas seulement écologique.

En fait, il y a même parfois une contradiction entre ce que nous essayons de faire et le discours écologique scientifique, lorsque celui-ci nous impose des formes de luttes, au nom d’une légitimité à obtenir. Par exemple, comme l’ont souligné des copaines à la ZAD du Testet en 2014, la création d’un vocabulaire technique et universitaire a tendance à déposséder tout un·e chacun·e de la possibilité de s’exprimer sur le monde qu’il ou elle habite11. Nous n’avons pas besoin de savoir ce qu’est une zone humide pour avoir envie d’y vivre et de la protéger. Il n’est pas question ici de rejeter l’écologie scientifique en tant que telle, mais bien de l’intégrer à nos combats dans une visée émancipatrice plutôt que surplombante.

Enfin, puisqu’il est question d’énergie dans notre critique, nous nous rendons compte de notre faiblesse dans notre volonté d’émancipation : nous sommes loin de l’autonomie énergétique. Nous en sommes si loin qu’elle est même difficile à imaginer. Nous souhaitons donc nous rapprocher de celles et ceux qui se sont emparé·e·s de cette question, tant d’un point de vue pratique que théorique. Il ne s’agit pas seulement de pirater les réseaux d’EDF mais bel et bien d’apprendre à se passer du monopole de l’État et des capitalistes dans notre alimentation électrique, comme dans notre vie de tous les jours.

Après avoir dit tout ça, nous ne voulons pas nous-mêmes imposer notre vision d’un monde vivable, qui serait à élaborer collectivement. Nous invitons toutes celles et ceux qui le veulent à venir nous voir et à papoter avec nous à propos de toutes ces choses. Ce sera aussi l’occasion de se rendre compte directement de ce que nous défendons : un Carnet libre et sauvage à l’abri des éco-pollueurs.

Illustration : Image tirée de l’Amazazine n°1, le fanzine de l’Amassada. En italien, voi non potete fermare il vento signifie tu ne peux pas arrêter le vent.

Notes de bas de page

1 Par exemple, le gouvernement a préféré essayer de mettre en place une taxe carbone pour agir sur la pollution routière, au détriment d’autres méthodes visant directement les industriels, par exemple en empêchant l’obsolescence programmée des voitures, ou l’invasion de gadgets électroniques qui les rendent toujours plus difficiles à réparer. Heureusement les gilets jaunes ne se sont pas laissé faire, affirmant qu’il n’existe pas de consommation éthique, mais bien des injonctions moralisatrices.

2 https://stopcarnet.fr/le-projet-du-grand-port/le-site-du-carnet/.

3 https://multinationales.org/Le-gaz-de-schiste-americain-arrive-discretement-en-France.

4 Le R&D du grand port de Nantes-Saint-Nazaire est en train de tout miser sur l’éolien maritime, voir par exemple ici https://www.emr-paysdelaloire.fr/forces/des-infrastructures-dediees/ la description sommaire de leur projet. Sur le terrain que nous occupons, il y a une éolienne prototype pour ce projet. Nous l’avons réquisitionnée et l’occupons désormais, ce qui nous paraît symboliquement très important.

5 On conseille par exemple le visionnage du documentaire Pas res nos arresta de nos copaines de l’Amassada, disponible ici https://vimeo.com/207707152.

6 https://www.terrestres.org/2020/01/27/loose-france-parce-que-cest-notre-projet/.

7 Voir la lettre ouverte du collectif Stop-Carnet : https://stopcarnet.fr/le-projet-du-grand-port/la-loire-en-danger-le-carnet-un-site-naturel-a-proteger/lettre-ouverte-aux-assos-environnementales-accompagnant-le-carnage-prevu-au-carnet/.

8 Voir le plaidoyer contre les éoliennes industrielles par l’Amassada, disponible ici https://douze.noblogs.org/files/2019/09/plaidoyerA5.pdf. Notons que cette brochure ne parle que d’un type d’éoliennes, celles qui nécessitent l’extraction de terres rares. Cependant, ajoutons que les autres types d’éoliennes industrielles, même sans terres rares, sont aussi très coûteuses en matières minérales extraites, voir notamment l’article de reporterre https://reporterre.net/Quel-est-l-impact-des-eoliennes-sur-l-environnement-Le-vrai-le-faux.

9 Voir les articles universitaires d’Alexander Dunlap, disponibles ici https://douze.noblogs.org/boite-a-outils-pour-la-com/ sur l’isthme de Tehuantepec et sur le colonialisme énergétique au Mexique.

10 La lutte à Saint-Victor-et-Melvieu en Aveyron a permis de mettre en lumière cette mise en place d’un réseau de surveillance et d’un maillage énergétique des populations, voir le livre Être forêt de Jean-Baptiste Vidalou, ou la brochure trancher le filet réseau, disponible ici https://douze.noblogs.org/files/2019/09/Trancher-le-filet.pdf.

11 Voir notamment l’article les zones humides on n’en a rien à foutre, dans le premier numéro du journal Sivens sans aucune retenue, disponible ici https://tantquilyauradesbouilles.wordpress.com/sivens-sans-retenue/.

Des photos de la tour champignon

Une nouvelle construction s’est installée sur la Zad. Merci à toustes celleux qui se sont investi·es dans ce chantier et voici des photos pour le plaisir des yeux.

La charpente est finie et quasiment sans aucune visserie ! Au programme de la suite du chantier : toit, bardage, isolation, contre-bardage et construction d’un premier étage. N’importe qui peut participer.

Crédits : Compte instagram le_pantale, CC-BY-SA 3.0

Le toit et futur plancher du premier étage
Centre du plancher
Vue générale
Un pilier
Le plancher

La répression s’intensifie à la Zad du Carnet

Depuis le 20 novembre, jour où les gendarmes avaient voulu rentrer sur la Zad en nombre pour « se balader » (lire l’article en question), la pression policière se reforce aux alentours de la Zad du Carnet.

Les contrôles routiers, d’identité et d’attestations sont plus fréquents. D’autre part, les gendarmes passent régulièrement à la barricade principale à plusieurs véhicules (3 fourgonnettes souvent). Nous détaillerons plus tard des faits précis.

N’hésitez pas à venir sur place nous apporter du soutien.

Illustration trouvée sur le site bureburebure.info.