Les modes d’action de la ZAD

Réponse d’un.e zadiste aux critiques entendues sur les modes d’actions de la ZAD du Carnet

  • Vous promouvez des modes d’organisation horizontaux, mais vos méthodes sont un rapport de force créé par un petit nombre. C’est antinomique. Vous voulez imposer votre vision du monde à la majorité.

Nous ne vivons pas en démocratie : les partis politiques sont contrôlés par un petit nombre, tous les moyens d’expression réels sont bridés pour rester dans un cercle restreint tout en donnant l’illusion d’un jeu à part égale. Tout cela sous-entend que si les citoyens ne se mobilisent pas, c’est qu’ils acceptent la façon dont le monde est géré. C’est faux. Le jeu n’est pas équitable. A la ZAD du Carnet, nous ne croyons plus aux institutions, aux médias et en la justice de ce pays.

Alors quelles autres solutions avons-nous pour stopper des projets destructeurs ?

Nos modes d’action ne sont sans doute pas idéaux. Mais tant que nous n’aurons pas trouvé de modes d’action plus efficaces et démocratiques, nous les assumerons fièrement.

  • Vous critiquez, mais que proposez-vous ? Quand on voit vos modes de vie sur les barricades, vous ne faites pas rêver grand monde (personnes marginales, violentes, alcool, drogues, punks à chiens, désagréables, ils font peur, ils ont des armes)…

La ZAD du Carnet est un lieu ouvert à ceux qui souhaitent défendre ce territoire. C’est un lieu d’accueil, de soutien mutuel, basé sur un refus de la domination. Les personnes qui y passent du temps et les personnes qui y vivent proviennent de milieux sociaux et culturels très variés. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, loin de là, mais nous acceptons nos différences (qu’elles soient de manière d’être, de vivre ou de penser).

Il s’agit là de la plus grande richesse de la ZAD, de l’une de ses complexités majeure dans la vie quotidienne, de sa plus grande force dans la lutte sur le long terme, et sans aucun doute, de la plus grande difficulté pour des personnes extérieures à comprendre ce qui se passe sur place.

Oui, nous assumons fièrement le fait que nombre d’entre nous sortent des codes traditionnels imposés par la société dans laquelle nous vivons (manière de parler, codes vestimentaires et esthétiques, etc).

Oui, nous assumons que les décisions collectives liés à l’extérieur ne se prennent pas rapidement.

Oui, nous assumons que nous commettons des erreurs car l’organisation n’est pas encore rodée (et elle ne se sera probablement jamais).

Oui, nous assumons que les décisions prises par un groupe puissent ne pas convenir aux autres mais que nous les acceptons tant qu’elles n’engagent que ceux qui les réalisent.

Oui, nous assumons que puissent cohabiter des modes d’action qui semblent incompatibles.

Oui, nous assumons de ne pas pouvoir avoir de ligne politique clairement identifiée en dehors des principes généraux que nous énonçons sur nos auto-médias.

Oui, nous assumons de ne pas avoir de chef, de représentant, de leader, de porte-parole.

Oui, nous assumons tout cela fièrement et totalement.

Pourquoi ? Parce que, si vous trouvez cela chaotique et inorganisé, si la ZAD vous fait peur, c’est sans doute parce que vous vous arrêtez à des mensonges souvent colportés par les médias, à des préjugés et à des idées reçues.

  • Concernant l’idée reçue sur la violence

Les ZADistes de la ZAD du Carnet n’ouvriront jamais les hostilités les premiers.

« Nous ne défendons pas la Nature, nous sommes la Nature qui se défend ».

Nous prônons la légitime défense lorsqu’il s’agit d’empêcher le site du Carnet, ou un quelconque autre espace naturel, d’être massacré.

Si nous voulions des armes, des vraies, de celles que possèdent les forces de l’ordre qui se trouveront un jour ou l’autre face à nous, nous pourrions nous en procurer. Mais nous ne voulons pas de grenades, nous ne voulons pas de pistolets : nous ne voulons pas mutiler, nous ne voulons pas tuer.

Nous nous défendons avec des moyens artisanaux. Jamais nous ne prônons la violence pour la violence. Nous n’utilisons nos moyens de défense que pour nous protéger et protéger ce site qui est une partie de notre humanité.

Nous le répétons, même quand les forces armées de l’État seront face à nous, nous n’ouvrirons jamais les hostilités les premiers.

  • Concernant l’idée reçue sur les marginaux, alcooliques et drogués

Oui, nous sommes marginaux. Qui ne l’est pas ? Avez-vous toujours eu l’impression d’être dans la norme de la société, de correspondre à ses schémas, à ses codes, à ses a-priori ? N’avez-vous jamais eu l’envie de tout plaquer ? Chacun compose avec sa personnalité, son histoire, ses expériences et ses contraintes propres. Beaucoup d’entre nous ont réussit à sortir du carcan imposé par la société qui prône le boulot, loyer, consommation, crédits. Bien évidemment, car sinon, nous n’aurions pas la possibilité d’être ici, de mettre de côté nos autres activités pour venir défendre ce lieu.

Pour sortir de cette norme, nous avons appris à vivre de peu de choses : de quoi manger et un espace pour dormir. Ici sur la ZAD, chacun son histoire et ses contraintes. Mais celui qui vient est nourri grâce à tous ceux qui soutiennent à la cause, et si notre nouvel.le ami.e n’a pas une tente, on trouvera bien un moyen pour qu’il ou elle dorme à l’abri.

Alors notre campement et nos barricades ne font pas rêver ? On fait de notre mieux pour qu’elles soient belles, propres et rangées. Ce n’est pas assez ? On vous met au défi de faire mieux que nous avec les moyens que nous avons à notre disposition et dans les respect des sensibilités de tou.te.s 😉

Ah oui, j’oubliais l’histoire de l’alcool et des drogues. Venez donc voir par vous-même. Et je n’hésiterais pas à parier qu’il y a proportionnellement beaucoup plus de gens alcoolisés et drogués dans les bars des Grands Boulevards à Paris qu’à la ZAD du Carnet…

  • Alors pour reprendre la question initiale : que proposons-nous ?

Nous nous engageons pour un monde où l’on fait apparaître et où l’on essaie de limiter les dominations : les dominations de l’humain sur l’humain et les dominations de l’humain sur la nature, avec l’intime conviction que les deux sont liées.

Cela commence par prendre conscience de l’impact de chacune de nos actions quotidiennes. Au nom du confort et de la spécialisation des tâches, nous avons délégué tous les pouvoirs que nous avions entre nos mains. De la même manière que nous avons délégué la politique à des oligarques à qui nous donnons notre légitimité en allant voter de temps en temps, nous avons délégués tous les pouvoirs que nous avions aux multinationales qui nous fournissent de nos services fondamentaux : eau, électricité, gaz, transport, santé, alimentation.

En quelques générations, nous avons perdu une somme inimaginable de savoirs : nous ne savons plus produire notre nourriture, ni la trouver dans la nature, nous ne savons plus soigner les bobos du quotidien sans médecins ni industrie pharmaceutique, nous ne savons plus coudre, réparer ou fabriquer nos vêtements, nous ne savons plus bricoler, réparer, bidouiller. Nos mains ne servent plus qu’à attraper des objets et taper sur un clavier.

Les travaux « intellectuels » ont pris le dessus sur tout au point que nous avons oublié qu’un être libre ne peux pas être intégralement dépendant des autres pour tous ses besoins fondamentaux. Nous sommes devenus des êtres dépendants des multinationales.

Ce que nous proposons, et que nous faisons déjà à notre échelle, c’est de nous réapproprier les savoirs fondamentaux, c’est de recommencer à prendre conscience de ce dont nous avons réellement besoin, de recommencer à produire collectivement ce qui constitue les bases de notre existence. Nous souhaitons que les multinationales sortent de nos existences, et que l’on s’organise ensemble pour mettre en place les outils de notre liberté.

Texte personnel, rédigé par un.e habitant.e de la ZAD du Carnet


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