Nous ne laisserons pas entrer les experts du grand port sur la ZAD !

Le grand port de Nantes-Saint Nazaire est l’un des acteurs principaux du projet de parc éco-technologique sur l’île du Carnet. Il est question de bétonner 110 hA. Notre occupation depuis début septembre a permis de remettre en cause ce projet absurde et destructeur. Non seulement, le Carnet est un des derniers espaces migratoires de l’Estuaire, mais surtout les travaux prévus, qui nécessiteraient le dragage de la Loire seraient catastrophiques pour l’environnement, sans parler des matériaux dangereux présents dans les sédiments qui risqueraient d’être libérés. Nous avons énuméré à plusieurs reprises tous ces arguments, voir par exemple [1].


La direction du port ne s’étant même pas donnée la peine de préciser ce que voulait dire «éco-technologique» autrement qu’à l’aide de mots vagues et fourre-tout, ni de préciser qui seraient les promoteurs industriels, un moratoire d’un an a été décrété en novembre dernier, suite à un rapport défavorable du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de la région des Pays de la Loire [2]. Ceci nous laisse un peu de temps pour respirer avant le début éventuel des travaux.


Suite à cela, le grand port veut maintenant verdir son projet et le rendre plus «acceptable» auprès de l’opinion publique. Il veut envoyer des experts scientifiques sur place, pour effectuer diverses études, notamment des relevés sur la faune et la flore protégées. Disons-le simplement : nous ne leur faisons pas confiance et nous ne les laisserons pas entrer. Comment croire à l’impartialité d’une équipe scientifique choisie par le grand port ou par l’État ? D’autant plus que les exemples où les risques environnementaux liés à des méga-projets industriels ont été minimisés ne manquent pas ! [3]


Allons même plus loin, quel·le·s que soient les expert·e·s choisi·e·s, nous ne les laisserons pas entrer si elles ou ils représentent l’institution scientifique. Cette institution a depuis longtemps comme unique motif d’existence la légitimation de la société industrielle capitaliste [4]. En fait, si les experts ont souvent tendance à sous-estimer les risques des grands projets inutiles, il s’agit d’un problème systémique avant tout. Ce n’est pas la «faute à pas de chance» d’être tombé sur les mauvais experts. Par ailleurs, le simple fait d’avoir affaire à une institution scientifique hiérarchique qui, en créant un discours scientifique «légitime», dépossède tout un chacun de la possibilité de s’exprimer sur le monde qui l’entoure pose des problèmes à certain·e·s d’entre nous. Il y a mille et une raisons de s’opposer au projet du grand port et toutes ces raisons n’entrent pas dans la grille de lecture des universitaires et des ingénieureuses censé·e·s nous expliquer pourquoi le projet est bon ou mauvais.


Attention, en disant cela, nous ne rejetons pas les outils scientifiques en soi, qui nous permettraient de mieux appréhender les enjeux de ce projet et de mieux comprendre le lieu que l’on occupe et que l’on habite. Nous sommes conscient·e·s que des contre-expertises indépendantes ont permis parfois de s’opposer victorieusement aux industriels [5].. Et au delà du fait d’avoir gain de cause ou pas, nous sommes convaincu·e·s que la science, si elle n’est pas utilisée comme argument d’autorité, peut permettre à tou·te·s de s’enrichir. Nous avons d’ailleurs publié un appel aux naturalistes à venir sur la ZAD pour effectuer les relevés à la place du grand port [6]. Cependant, il est important de préciser qu’elles et ils seront les bienvenu·e·s à condition de se débarrasser de leur position dominante en tant qu’expert scientifique. En particulier, il ne s’agira pas de venir faire des relevés sans discuter avec nous des méthodes utilisées et des objectifs visés, mais bien de faire en sorte dans la mesure du possible que tou·te·s les habitant·e·s de la ZAD qui le veulent puissent s’approprier les connaissances déployées.

[1] https://zadducarnet.org/index.php/2021/01/27/arguments-projet-industriel-du-carnet/
[2] https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-36434-avis-csrpn.pdf
[3] À propos du projet de centre d’enfouissement des déchets nucléiares, voir par exemple https://zadducarnet.org/index.php/2021/01/15/landra-doit-revoir-sa-copie-suite-a-un-avis-explosif-de-lautorite-environnementale/
[4] Il y aurait tant à dire sur ce sujet. Commençons par rappeler que la collusion entre l’institution scientifique et le monde industriel existe, en témoigne le fait que la grande majorité des financements de la recherche scientifique est pourvue par divers lobbys industriels, notamment l’armement et le nucléaire. Ces lobbys induisent un biais énorme dans les champs de recherche explorés. Ceci ne concerne pas seulement les sciences dites dures, mais aussi les sciences sociales, voir par exemple l’articleQue faire des interventions militaires dans le champ académique Réflexions sur la nécessaire distinction entre expertise et savoir scientifique  par Thibaud Boncourt, Marielle Debos, Mathias Delori, Benoît Pelopidas, Christophe Wasinski publié dans 20 & 21. Revue d’histoire 2020/1 (N° 145), pages 135 – 150. En réalité, ce biais structurel n’est pas une coïncidence de notre époque et il faut comprendre que ces alliances actuelles sont logiques et que l’institution scientifique telle qu’elle est construite est quasiment conçue pour servir l’industrie, voir le livre Un futur sans avenir, pourquoi il ne faut pas sauver la recherche scientifique écrit par le Groupe Oblomoff, publié aux éditions L’Échappée.
[5] À nouveau, à propos du centre d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure l’article ci-dessus [3] est un bon exemple.
[6] https://zadducarnet.org/index.php/2021/02/08/appel-aux-naturalistes-en-lutte-militants/

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